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Nostalgie du Maroc
12 mars 2015

Mémorandum de Me Taïeb Omar, en réponse à l’ACAT sur l’accord d’entraide judiciaire entre la France et le Maroc

L'association dite «Action chrétienne pour l’abolition de la torture» (ACAT), aidée en cela par  Me Joseph Breham du cabinet «Ancile Avocats», chargé de la défense de marocains et binationaux ayant engagé en France un simulacre d’actions judiciaires contre plusieurs dignitaires marocains, qu’ils «accusent» de les avoir soumis à la torture, ont récemment publié un communiqué fort édifiant de par sa mauvaise foi, dans lequel leurs auteurs s’évertuent à alléguer à travers une lecture détournée et sciemment tendancieuse, l’inconstitutionnalité vis-à-vis des lois françaises  des amendement introduits le 31.01.2015 dans le texte de la convention d’entraide judiciaire entre Paris et Rabat, en se basant sur un ensemble de supputations et autres jugements de valeur sans fondement, déniant toute compétence souveraine à la justice marocaine sur son territoire et ce, en violant systématiquement les dispositions de la convention internationale sur la torture adoptée en 1984 par les Nations Unies et dont l’ACAT et son conseil s’acharnent à en dévoyer la substance, pour mieux porter l’estocade aux relations franco-marocaines.

Bien au contraire, la présente analyse dépassionnée et juridiquement argumentée des amendements des accords judiciaires entre la France et le Maroc, montre indéniablement que l’esprit qui anime désormais les relations de confiance entre ces deux pays, reflète la volonté ferme de leurs responsables respectifs d’appliquer scrupuleusement les principes établis et reconnus du droit international privé, caractérisés autant par le respect impératif de la justice de l’autre «sans hiérarchisation», que par la nécessité d’instaurer, à cet égard, un cadre de «complémentarité responsable et de coordination mutuelle», dans le souci majeur d’assurer une application «efficiente» des instruments internationaux inhérent à la lutte contre la torture, dans laquelle le Maroc est irréversiblement engagé…n’en déplaise à l’ACAT& Co.

La lecture effectuée par l'ACAT et le cabinet "Ancile Avocats", quant à l’accord intervenu entre le Maroc et la France n’est pas au niveau requis.
Après la signature préliminaire à Paris, le 31 janvier dernier, du document amendant l’accord de coopération judiciaire en matière pénale entre le Maroc et la France, et avant que ce document ne soit soumis pour ratification aux parlements des deux pays, plusieurs voix dissonantes  se sont élevées en France pour contester le texte ; ce sont ces mêmes personnages qui ont été à l’origine de la crise qu’ont connues les relations entre le Maroc et la France un an durant. Parmi ces gens, l’association dite Action chrétienne pour l’abolition de la torture (ACAT) qui a pris fait et cause (à travers certains avocats qui en sont membres) pour des Marocains et autres binationaux ayant décidé d’engager un combat contre leur pays d’origine, accusé de pratique de torture contre leurs personnes ; ces individus ont intenté des actions en justice contre plusieurs responsables marocains, soutenus en cela par, entre autres, l’ACAT.

Dans cette vaste opération visant à perturber ce qui est entrepris et œuvrant à entraver ce qui est engagé, on trouve cette lecture effectuée par le cabinet français Ancile Avocats, conjointement avec l’ACAT, et mise en ligne sur le site de cette dernière (www.acatfrance.fr ) en date du 4 mars 2015. Nous disons et soutenons pour notre part que cette lecture n’est pas heureuse, voire qu’elle est biaisée dans un souci de la détourner dans l’objectif de montrer que cet amendement, et donc l’accord en général, est contraire à l’esprit et à la lettre de la constitution française, que certaines de  ses dispositions sont illégales, qu’il comporte des passages d’exception potentiellement dangereux, qu’il aspire in fine à mettre en péril les droits de victimes aussi bien françaises que marocaines ; selon cette lecture, on parvient à la conclusion qu’il devient presqu’impossible de poursuivre en justice tout  responsable marocain au prétexte qu’il n’existe pas de justice indépendante au Maroc et que donc, de ce fait, les juges en notre pays s’empresseront d’enterrer toute affaire qui pourrait gêner leur Etat…

Revenons donc quant à nous sur les trois axes de cette lecture.

Axe 1 – Le devoir d’informer : une menace sur l’efficacité des enquêtes.
Les «lecteurs» partent dès le départ de leur «analyse» avec une évidente mauvaise foi lorsqu’ils affirment que le devoir d’information immédiate de la partie marocaine par la partie française procurera à la première la faculté d’entraver la bonne marche de l’enquête et de l’instruction, au moyen de l’intimidation des victimes et des témoins, en les menaçant de poursuites judiciaires, en détruisant les éléments de preuve, en mettant en garde les suspects contre le risque de leur arrestation s’ils se rendaient en France ; un autre argument des «lecteurs» consiste à dire que le juge en France est tenu au secret de son instruction et que seul ce secret permet de garantir l’efficacité et la sérénité des investigations.
Tout cela est donc l’argumentaire développé pour l’article 1 de l’accord d’amendement qui stipule ceci :
«1/ Dans le cadre de leurs engagements respectifs et afin de contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions internationales qui les lient, les parties s’emploient à favoriser une coopération plus efficace ainsi que tous  échanges entre les autorités judiciaires aux fins de bonne conduite des procédures, notamment lorsque les faits dénoncés ont été commis sur le territoire de l’autre.
2/ Dans cette dernière hypothèse, chaque Partie informe immédiatement l’autre Partie des procédures relatives à des faits pénalement punissables dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée».
Avant de nous atteler à la discussion, nous affirmons que la torture ne saurait être appliquée par quiconque contre qui que ce soit, et pour quelque motif qu’il soit ; la torture est une pratique rejetée, honnie et bannie par les hommes, de même que la lutte contre ces pratiques inhumaines et le rejet de l’impunité est une voie dans laquelle le Maroc s’est irréversiblement engagé.
Ainsi, la Maroc a approuvé la Convention de New York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CAT.aspx) et du Protocole facultatif s’y rapportant, de même qu’il a adhéré au processus aussi large que profond pour mettre ces textes en vigueur,  à travers des réformes structurelles comme la pénalisation de toutes les formes de torture et de mauvais traitements ; le Maroc a également soumis les documents d‘approbation au Protocole facultatif et a lancé le chantier législatif et légal pour la mise en place du Mécanisme national de prévention de la torture, un processus résolument engagé dans le pays. Tout cela est mené et entrepris en collaboration étroite entre les mécanismes internationaux de droits de l’Homme et le Royaume, à travers son gouvernement, ses organismes publics et ses associations de défense des droits humains; de plus, il est désormais acquis que tout individu convaincu de pratique de la torture est passible de poursuites judiciaires, et les exemples de cela sont légion, de même que tout jugement dont les documents à charge sont basés sur des aveux extorqués par la force est nul et non avenu.
Et donc, le Maroc, à l’instar de tant d’autres nations dans le monde, peut certes enregistrer des cas isolés de torture et de mauvais traitements mais force est de reconnaître et de considérer que ces actes sont en régression sensible, de par une volonté politique et sociétale affirmée.
Pour répondre au point de vue exprimé par la lecture susmentionnée, nous rappelons ce qui suit :

1/ Cet accord ne se rapporte pas à une législation nationale dont l’ACAT peut faire une lecture aussi particulière qu’étroite selon son intérêt bien compris ; il entre en effet dans le cadre d’une législation relevant du droit international privé. Partant, ledit accord est soumis soit à une confrontation entre les parties concernées soit à une logique d’équilibre et de complémentarité. Du fait de son intégration dans le cadre général du droit international privé, il est caractérisé par une absence de hiérarchie, et contraint par les intérêts stratégiques de telle ou telle partie contractante et aussi par l’esprit des accords internationaux selon leurs différents textes et déclinaisons.
Or, le Maroc et la France ont opté pour les voies diplomatiques, écartant les conflits et autres antagonismes, s’accordant sur l’absence d’hiérarchie et sur le nécessaire respect par chaque partie de la justice de l’autre partie ainsi que de la confiance de chacune dans les système judiciaires de l’autre ; les deux contractants sont convenus également de bâtir, puis d’établir des relations entre leurs deux systèmes judiciaires, fondées sur la complémentarité responsable et la coordination mutuelle et efficiente, chacun des deux pays étant conscient des intérêts réciproques et des liens historiques qui les unissent.

2/ Il existe un grand nombre de cas de détenus de droit commun qui n’ont pas été soumis à des sévices ou autres actes de torture, mais qui s’enduisent les pieds et d’autres parties du corps de colorant bleu pour montrer de prétendues ecchymoses ; d’autres préfèrent peindre leurs corps de rouge pour faire accroire qu’il s’agit de sang. Certains autres se frappent la tête ou d’autres parties du corps contre les murs des commissariats de police ou dans les prisons, pour parvenir à contourner la loi et à échapper à de justes châtiments, quand ce n’est pas pour d’autres raisons tout aussi inavouables. Tous ces individus affirmeront devant les tribunaux, la main sur le cœur, qu’ils ont subi d’horribles tourments, et ils seront relayés par les médias, pendant que des informations circuleront sur le plan international sur «la pratique de la torture», et «le défaut d’équité de leurs procès». Plusieurs quitteront la prison et quelques-uns d’entre eux iront devant la justice française aux fins d’y déposer plainte pour sévices subis, contre qui ils veulent et qui ils auront choisi parmi les responsables marocains. Résultat : les deux pays entreront dans des crises dont personne ne peut prédire l’impact et la durée.
L’ACAT demande que le Maroc, la France et la communauté internationale donnent suite aux accusations de ce type de personnes, car ces dernières sont supposées dire vrai, car elles ne sauraient mentir, alors même que plusieurs d’entre elles sont des trafiquants de drogue, comme le cas de cet individu que défend l’association susmentionnée et, bien qu’elle sache pertinemment qu’il a des antécédents judiciaires en Espagne, elle persiste à le soutenir en donnant crédit à ses affirmations quant aux actes de tortures qu’il aurait subis pour avouer ses méfaits et aussi au jugement inique dont il aurait fait l’objet.

Or, pour cet individu, la condamnation n’avait pas besoin de ses aveux car les déclarations de ses complices, surpris en flagrant délit de transport de drogue en avion, étaient suffisantes pour convaincre les juges de sa culpabilité. Pour ce qui est des mauvais traitements qu’il aurait subis, l’expertise effectuée sur son corps a montré que le sang était du simple colorant rouge.
Il y a aussi les autres individus qui affirment avoir été maltraités alors qu’ils sont des militants politiques séparatistes qui ont commis des actes violents contre les forces de l’ordre marocaines, parfois des meurtres, œuvrant à présenter le Maroc comme un pays qui ne voue aucun respect pour les droits de l’Homme. Une troisième catégorie est constituée de terroristes dont l’objectif ultime est de faire couler le sang, de tuer ici et ailleurs, comme nous le savons bien malheureusement.
L’ACAT, quant à elle, offre à ces gens-là de très larges campagnes de publicité et, ce faisant, elle dénie aux autorités marocaines et aux forces de l’ordre le droit d’aller en justice lorsque leurs membres sont maltraités, exposés aux violences de ces personnes ou, plus simplement, quand leur dignité est bafouée.
Comment faites-vous donc, au sein de l’ACAT, la différence entre ceux qui disent vrai et  ceux qui mentent à propos de torture et de sévices qu’ils auraient endurés? Comment savez-vous que telle personne a bien été torturée et telle autre a seulement argué l’avoir été, ruinant les excellentes relations qui prévalent entre le Maroc et la France ? Comment faites-vous pour identifier ceux qui auraient, contre bel argent, affirmé avoir été torturés, alors qu’ils œuvrent à servir des intérêts étrangers contre le Maroc et la question de son intégrité territoriale ? Comment tout cela peut-il avoir autant d’impact auprès de vous, pour que vous publiiez un communiqué comme celui du 30 avril 2014 dans lequel vous exprimiez votre désappointement de ne pas avoir vu la communauté internationale faire sienne la thèse du Polisario et de ceux qui le portent à bras le corps en vue d’élargir les fonctions de la Minurso aux droits de l’Homme ?

3/ La torture dont parlent ceux qui ont procédé à cette lecture au sein de l’ACAT et d’ailleurs et qui fait l’objet de plaintes devant la justice française n’a pas été prouvée aux termes de l’article 20 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui conditionne toute condamnation à des «renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d'un Etat partie». Non, ces gens ont simplement vu là une occasion qui satisfait leur rancœur contre le Maroc et leur attachement à d’autres, et ils ont pris comme argent comptant, ou parole d’Evangile,  des assertions de certains individus qu’ils ont voulu transformer en vérités, après les avoir médiatiquement amplifiées. Là… leurs glapissements ne sauront trouver aucun écho auprès de ceux qui, avant de juger, essaient de vérifier les faits et œuvrent à savoir la réalité de ce qu’il se passe, après enquête et en toute objectivité.

4/ Si les acteurs de cette «lecture» ont voulu engager une bataille contre le Maroc au motif de la torture, une torture qui n’existe que dans leurs esprits… s’ils ont multiplié les rapports et les communiqués… pourquoi n’ont-ils pas fait montre d’autant d’enthousiasme et d’empressement à  dénoncer les sévices qui sont commis en Palestine, ou encore dans les camps de Tindouf, ou dans la prison d’Abou Ghraïb en Irak, ou à Guantanamo… l’abjection de ce qui est commis dans ces camps , pour ceux qui ne la connaîtraient pas et qui voudraient remédier à cette défaillance dans leurs connaissances en matière de mauvais traitements infligés par des humains à d’autres, est amplement détaillée dans le film documentaire réalisée récemment par la journaliste française Marie-Monique Robin et portant le titre de «Torture Made in USA».
Quant à nous, au Maroc, nous sommes résolument opposés à la torture et à l’impunité des tortionnaires, mais nous nous élevons  également contre celles et ceux qui viendraient à essayer de porter atteinte à notre stabilité et à notre intégrité territoriale. Nous savons aussi prendre notre temps avant d’accuser quiconque de torture, en suivant en cela des gens qui sont animés par d’autres intentions que celles officiellement affichées.

Axe 2 - Fin de la compétence universelle pour les crimes graves commis au Maroc
Ceux qui avancent cet argument ont d’autres idées derrière la tête que celle exprimée à travers ledit argument, de même qu’ils ont fait une lecture incomplète de l’accord, qu’ils n’ont pas compris le contexte dans lequel, il est intervenu et, enfin, qu’ils se fondent sur une vision nihiliste de la justice marocaine.
Ainsi, les «lecteurs» affirment-ils que «désormais, la justice marocaine, informée de l’ouverture d’une procédure en France concernant un ressortissant étranger victime d’un crime au Maroc, pourra décider des suites à lui donner : dans les cas où le juge marocain décidera d’ouvrir lui-même une procédure au Maroc, la justice française devra «prioritairement» se dessaisir du dossier. Une fois l’affaire transférée à la justice marocaine, cette dernière aura toute latitude pour l’enterrer». Cela est discutable pour les raisons qui suivent :

1/ Ils considèrent que l’article 3 de l’accord ne concerne, exclusivement, que les affaires relevant de la compétence universelle ; j’ignore comment ils sont parvenus à cette conclusion, sachant que le texte est bien plus global et ne se rapporte pas uniquement à cette compétence, ni à une autre, en particulier.

2/ La base en matière de conflit de compétence dans les affaires pénales met en avant le principe de la «territorialité des lois pénales», selon lequel il revient à l’Etat sur le territoire duquel l’acte a été commis de juger son auteur, sur la base de ses propres lois, en vertu du principe de la «souveraineté de l’Etat sur son territoire». Ainsi, le crime commis sera évalué selon les critères du territoire qui a été le théâtre de ce fait, par ses juges, qui tiendront compte de la nature du dossier, de ses acteurs, de ses circonstances et de ses conséquences, partant du principe de la prise en considération du fait que les preuves du crime sont à leur portée.
Ainsi est le fondement général ; quant à l’exception, elle revient à conférer à un autre Etat le droit de juger les citoyens d’un autre Etat. Cette exception est, par définition et par essence, exceptionnelle, ne peut donc être inconsidérément élargie et ne peut également pas être décidée unilatéralement par un Etat dans sa confrontation avec un autre, auquel cas nous serions face à une situation de chaos et de crises interminables et insurmontables entre les différentes nations.
Cette exception ne saurait exister sans accords internationaux particuliers, pour des affaires particulières, comme celles qui animent semble-t-il les tenants de cette lecture, à savoir précisément les pratiques de torture.

3/ L’accord d’amendement intervient dans le cadre d’un climat général qui est celui que plusieurs pays européens avaient dans un passé récent adopté des lois de compétence universelle en matière de torture, comme l’Espagne ou la Belgique, ou aujourd’hui la France, mais que ces Etats ont dû se résoudre à renoncer par la suite à ces textes  en raison des conflits et antagonismes auxquels ces textes ont donné naissance.

4/ Il y a une mauvaise intention manifeste de la part de ceux qui militent pour une vision nihiliste de la justice du Maroc qui enterre si vite, à leurs yeux, les procédures qui lui sont soumises et qui se retient de les juger, de s’y prononcer et même de conduire des investigations sérieuses et impartiales les concernant, assurant ainsi l’impunité de ceux qui commettent des crimes aussi graves. Il n’est donc pas vraiment utile de se laisser entraîner dans une discussion avec un adversaire aussi peu sérieux, non indépendant et absolument partial. En effet, la logique de cette «lecture» part du principe qu’il n’est même pas utile de discuter avec la justice du Maroc, ce «paradis de la torture», sans juges ni magistrats, dépourvu d’institutions, dont les citoyens doivent être jugés devant des tribunaux de France et de Navarre. Là… ce genre de propos n’a pas droit de cité à notre époque actuelle, et aucun juriste, de France ou d’ailleurs, ne peut donner suite à un tel mode de pensée, qu’il se fonde sur les bases juridiques générales ou sur le droit privé international, nonobstant les us et coutumes diplomatiques qui régissent les relations entre Etats.
Et, pour rappel aux «lecteurs», le professeur George Levasseur, en son «Cours de droit pénal général complémentaire» édition de 1960, insistait sur le fait que le système de compétence générale partait du principe consistant à faire pleinement confiance à la juridiction étrangère. Autrement dit, le point de départ de l’ACAT est faux, car il s’appuie sur l’idée qu’il n’existe point de justice en terre marocaine.

5/ Les auteurs de la lecture de l’ACAT ont pêché également par légèreté dans leur appréciation de l’article 3 de l’accord – du moins dans la version qu’ils ont présentée – en affirmant ou en supposant que le juge marocain, sitôt saisi d’une procédure ouverte en France, décidera du sort qu’il réservera à cette affaire, sans même lire les autres articles dudit accord, comme l’interdiction de l’impunité, à savoir :

a.    L’autorité judiciaire saisie recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire de l’autre partie ses observations ou informations.
b.    Cette dernière prend toutes les mesures qu’elle juge appropriées y compris le cas échéant l’ouverture d’une procédure.
c.    Au vu des éléments ou informations reçus, l’autorité judiciaire saisie détermine les suites à donner à la procédure, prioritairement son renvoi à l’autorité judiciaire de l’autre partie ou sa clôture.
d.    En l’absence de réponse ou en cas d’inertie de l’autre Partie, l’autorité judiciaire saisie poursuit la procédure.

Ces dispositions précises qui garantissent l’absence de toute forme d’impunité, puisées dans la Convention de New York contre la torture, semblent avoir été occultées, puis remplacées par cette formule lapidaire : «Désormais, la justice marocaine, informée de l’ouverture d’une procédure en France, pourra décider des suites à lui donner : dans les cas où le juge marocain décidera d’ouvrir lui-même une procédure au Maroc, la justice française devra «prioritairement» se dessaisir du dossier. Une fois l’affaire transférée à la justice marocaine, cette dernière aura toute latitude pour l’enterrer» !... Alors même que l’expression «les suites à donner à la procédure» concerne la partie saisie, c’est-à-dire la justice française qui, «au vu des éléments ou informations reçus, l’autorité judiciaire saisie détermine les suites à donner à la procédure, prioritairement son renvoi à l’autorité judiciaire de l’autre partie ou sa clôture». Le détournement du sens de l’article est clair.

6/ Dans ce cadre, l’accord apparaît parfaitement conforme aux engagements internationaux du Maroc et de la France dans le domaine de la lutte contre la torture et de l’absence de l’impunité, comme cela est clairement stipulé par la Convention de New York, tout cela conformément aux principes du traitement serein et équilibré des conflits de compétence.
En effet, ladite Convention de New York a prévu des précautions contre les éventuels et/ou potentiels conflits de compétence et a prévu des solutions pour éviter qu’un tortionnaire puisse échapper à son juste châtiment. Ces points ont été édictés dans le respect d’une logique progressive dans les procédures d’enquêtes et d’investigations, dans le respect des souverainetés nationales, dans la priorité accordée aux juridictions nationales, que cela soit dans les relations entre Etats ou dans celles entre Etats et le Comité international de lutte contre la torture, prévu dans la Convention et créé par elle.
Dans les relations régissant les Etats entre eux, la Convention précise en son article 9 que «les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions visées, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure», puis, plus loin, dans l’alinéa 1a de l’article 21, dispose que « dans un délai de trois mois à compter de la date de réception de la communication, l'Etat destinataire fera tenir à l'Etat qui a adressé la communication des explications ou toutes autres déclarations écrites élucidant la question, qui devront comprendre, dans toute la mesure possible et utile, des indications sur ses règles de procédure et sur les moyens de recours, soit déjà utilisés, soit en instance, soit encore ouverts». L’alinéa  1b poursuit et stipule que «si, dans un délai de six mois à compter de la date de réception de la communication originale par l'Etat destinataire, la question n'est pas réglée à la satisfaction des deux Etats parties intéressés, l'un comme l'autre auront le droit de la soumettre au Comité, en adressant une notification au Comité, ainsi qu'à l'autre Etat intéressé».
Et dans le cadre des relations des Etats avec le Comité international, il est convenu que ce dernier ne saurait connaître d’une affaire à lui soumise que si tous les autres moyens locaux et nationaux sont épuisés, conformément aux principes du droit international universellement connus.
Et toujours dans cette relation Etats-Comité, il faut rappeler les dispositions de l’article 20 alinéa 1 qui précisent que «si le Comité reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d'un Etat partie, il invite ledit Etat à coopérer dans l'examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet», puis l’alinéa 2 ajoute que «en tenant compte de toutes observations éventuellement présentées par l'Etat partie intéressé et de tous autres renseignements pertinents dont il dispose, le Comité peut, s'il juge que cela se justifie, charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à une enquête confidentielle et de lui faire rapport d'urgence».
En conséquence, il faut considérer que dans l’accord intervenu à Paris en date du 31 janvier 2015, il a été pris en compte certaines de ces dispositions dans l’esprit et ainsi par certains aspects dans la lettre, ce qui ne le prive pas pour autant de la conformité avec les engagements régionaux et internationaux des deux pays signataires, le Maroc et la France, pas plus qu’il n’est en infraction aux constitutions des deux pays. Cela se justifie par la simple raison que tant le Maroc que la France ont signé la Convention de New York et que l’accord judiciaire entre eux respecte cette convention. Or, l’acceptation d’un ensemble (convention) vaut celle de ses parties (accord).
La Convention de New York précise également en son article 9, alinéa 1, que «les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions visées à l'article 4, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure», et en son alinéa 2 que «les Etats parties s'acquittent de leurs obligations en vertu du paragraphe 1 du présent article en conformité avec tout traité d'entraide judiciaire qui peut exister entre eux». Or, c’est précisément ce que dispose l’accord entre le Maroc et la France en matière d’entraide judiciaire dans le domaine pénal et que veulent contester les «lecteurs» de l’ACAT, arguant que cela est contraire à la loi, à la constitution et aux engagements internationaux de la France.

Axe 3 – Le secret de l’instruction.
Concernant le conflit quant à la légalité des dispositions de l’accord, d’une part et, d’autre part, sur l’affirmation qu’elles sont anticonstitutionnelles, il relève d’une lecture erronée de la loi. En effet, les «lecteurs» considèrent que l’accord contrevient aux principes du «secret de l’instruction», argument phare s’il en est, à leurs yeux du moins, puis que le texte est illégal en raison du fait que le fait pour la France d’informer le Maroc sur l’ouverture de procédures judiciaires concernant des citoyens marocains est une violation du secret de l’instruction ouverte en France ; mais cela est inexact, pour au moins quatre raisons :

1/ Informer de l’ouverture de procédures concernant le citoyen de tel ou tel pays, tel que stipulé dans l’article 2 de l’accord, ne signifie pas nécessairement informer également du contenu du dossier et de ses détails ; en effet, l’immédiateté de l’information se limite à l’information elle-même.

2/ La transmission de la procédure judiciaire d’une partie à la justice de l’autre partie, telle que prévue par l’article 3 de l’accord et qui s’effectue après la prise d’un train de mesures de précaution garantissant l’absence de toute forme d’impunité, ne porte aucune violation du secret de l’instruction car, en effet, l’accord d’entraide judiciaire en matière pénale signé à Rabat le 18 avril 2008 entre les gouvernement français et marocain prévoit en ses articles 1 et 8 l’obligation pour chaque partie de maintenir le secret des instructions dans ses relations avec les autres parties. Ces deux articles détaillent les dispositions et conditions des relations entre les deux contractants, essentiellement en matière de confidentialité des investigations et des instructions.
Ainsi, l’accord, dans sa forme originale, signé par les gouvernements et ratifié par les parlements des deux pays – et qui n’a pas été déclaré inconstitutionnel  ni illégal – a posé tous les principes de respect du secret de l’instruction, et l’amendement du 31 janvier 2015 n’a rien changé dans ces matières.

3/ Concernant la Convention de New York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, elle stipule en son article 9 alinéa 1 que «les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions visées à l'article 4, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure». Il ne s’agit donc pas de permettre à un Etat de monopoliser les informations ou de les protéger par une forme ou une autre de secret, mais porte bel et bien sur une coopération internationale contraignant tous les Etats signataires à présenter toutes les formes d’assistance et toutes les informations possibles, s’interdisant de garder des faits secrets, au point que l’article précise bien que les Etats doivent fournir «la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure».

4/  Quant à l’allégation concernant la non constitutionnalité de cette forme d’inégalité entre citoyens français dans leur accès à la  justice s’ils sont victimes d’actes perpétrés à l’étranger, les «lecteurs de l’ACAT» ont voulu l’expliquer à leur manière par «l’exemple du traitement de deux plaintes déposées en France par une victime française, pour un crime commis au Maroc (viol, torture), l’un par un Marocain, l’autre par un Tunisien. Si le crime met en cause un Tunisien, la justice française aura la possibilité (sans y être contrainte) de transférer le dossier à la justice marocaine, mais elle ne le fera pas si, par exemple, la justice marocaine ne présente pas de garanties de sérieux et d’équité. En revanche, la justice française aura l’obligation (et non la simple option) de dénoncer le crime au Maroc si l’auteur présumé du crime est Marocain. Et si le juge marocain décide d’ouvrir une enquête, le juge français sera obligé d’opter en priorité pour l’option du dessaisissement».
Mais cela montre bien une grande incompréhension de la constitution française et aussi de l’accord intervenu entre la France et le Maroc car :

a.    L’égalité des citoyens français en matière d’accès à la justice, s’ils sont victimes de crimes commis à l’étranger, est garantie en vertu de la constitution et du code de procédure pénale français ; en effet, il n’existe pas de conditions particulières imposées à un Français pour saisir la justice de son pays si le défendeur est étranger ; l’égalité d’accès à la justice des ressortissants français est donc garantie dans le cas où ils seraient victimes d’un crime commis à l’extérieur des frontières de France ; quant aux mesures et conditions à adopter et/ou suivre une fois la justice saisie, elles sont détaillées par le code de procédure pénale et les accords internationaux ou bilatéraux, et garantissent toutes un plein accès à la justice.
b.    La non compréhension de l’accord résulte du fait qu’en vertu des articles 1 et 2 de l’accord d’amendement du 31 janvier, la France et le Maroc ne sont tenus de mutuellement s’informer que dans le cas où leurs ressortissants sont concernés par une affaire de justice. L’article 3 porte sur un fait pénal commis par un ressortissant de l’un des deux pays signataires sur l’un ces deux territoires. L’exemple du Tunisien est donc nul et non avenu, et n’avait aucune raison d’être cité.

Pour tout ce qui précède, la lecture faite par le cabinet Ancile Avocats et par l’ACAT  n’est pas au niveau requis, elle est erronée et que donc, en conséquence, elle sera ignorée tant par les Français que par les Marocains.

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